mercredi 2 juillet 2008

Patrick de Carolis,PDG de France Télévisions sur RTL ce matin

L’INVITE – Le 02/07/2008 – 07:49:37
Invité : Patrick de CAROLIS, président de FRANCETELEVISIONS


Jean-Michel APHATIE
Bonjour Patrick de CAROLIS.
Patrick de CAROLIS
Bonjour, et bonjour à vos auditeurs qui sont aussi les téléspectateurs de France Télévisions.
Jean-Michel APHATIE
Nous sommes heureux de vous accueillir ce matin. Le président de la République a justifié ainsi lundi soir, sur FRANCE 3, la réforme de l’audiovisuel public qu’il a initiée, les programmes de FRANCETELEVISIONS, a-t-il dit, ressemblent encore trop aux programmes des chaînes privées. Qu’avez-vous pensé de ce jugement, Patrick de CAROLIS ?
Patrick de CAROLIS
Pas du bien.
Jean-Michel APHATIE
Vous n’êtes pas d’accord avec le président de la République quand il dit cela ?
Patrick de CAROLIS
Non, je ne suis pas d’accord avec lui, je le lui ai dit d’ailleurs, on s’est expliqué très franchement. Vous savez, je crois qu’il est temps de dire que la télévision, c’est un métier, qui est fait par des professionnels, qui répond à des règles, à des processus industriels parfois, et qu’il est bon qu’on laisse travailler les professionnels.
Jean-Michel APHATIE
Et ce jugement vous a paru mal prendre en compte leur travail ?
Patrick de CAROLIS
Et depuis trois ans, avec Patrice DUHAMEL, avec des équipes de FRANCETELEVISIONS, nous nous efforçons de faire une télévision respectable, et j’entends qu’elle soit respectée…
Jean-Michel APHATIE
Elle ne l’est pas ?

Patrick de CAROLIS
Depuis trente-cinq ans que je fais ce métier à la télévision, j’ai toujours eu une ligne de vie professionnelle, qui est l’indépendance, quels qu’aient été mes actionnaires privés ou publics. Et je trouve que lorsqu’on dit qu’il n’y a pas de différence entre la télévision de service public ou les télévisions privées, je trouve cela faux, je trouve cela stupide, et je trouve cela injuste, profondément injuste.
Jean-Michel APHATIE
C’est très…
Patrick de CAROLIS
Alors au moment où va s’engager…
Jean-Michel APHATIE
Ces mots – excusez-moi – ces mots de : « faux » et « stupide », qui sont adressés au chef de l’Etat sont très violents…
Patrick de CAROLIS
Ils sont adressés à tous ceux qui portent un jugement qui est inexact sur le travail qui est fait par des milliers de collaborateurs. Je trouve que depuis trois ans…
Jean-Michel APHATIE
Ces jugements vous mettent en colère, Patrick de CAROLIS ?
Patrick de CAROLIS
Non, pas du tout, je suis ni en colère ni fatigué, ni usé, je dis tout simplement les choses telles que je les ressens, en chef d’entreprise qui défend une maison, qui défend un savoir-faire et qui défend des collaborateurs qui sont inquiets pour leur avenir, à juste titre.
Jean-Michel APHATIE
Et alors parlons justement de cet avenir, si vous le voulez bien.
Patrick de CAROLIS
Si vous le voulez bien.
Jean-Michel APHATIE
La suppression de la publicité sur FRANCETELEVISIONS entre 20h et 06h du matin interviendra le 1er janvier prochain. Le manque à gagner pour votre groupe FRANCETELEVISIONS est de 450 millions d’euros, il est estimé à ce niveau. Et le président de la République a décidé que des taxes seraient créées pour compenser ce manque à gagner. L’équilibre financier, tel qu’il est envisagé par la réforme, vous parait-il satisfaisant, Patrick de CAROLIS ?
Patrick de CAROLIS
D’abord, très rapidement, j’ai salué le travail de la commission COPE et certaines de ses préconisations. J’ai salué également certaines pistes qu’avait retenues le président de la République, et notamment celle de l’entreprise unique, j’y suis totalement favorable, puisque c’est, je dirais, une préconisation que j’avais faite moi-même, il y a plus d’un an et demi, je crois que cette télévision doit se réformer. Sur l’aspect financier, nous allons engager, et le président de la République m’a demandé, avec Christine ALBANEL, de travailler sur un plan d’affaires pour les prochaines années. J’estime aujourd’hui, d’après les déclarations des uns et des autres, que le compte n’y est pas. J’estime aujourd’hui que nous n’avons pas les moyens de nos ambitions futures. Donc nous allons faire ce plan d’affaires, je vais y mettre toute mon énergie, tout mon professionnalisme, nous allons travailler avec les services de l’Etat, que je respecte, et qui sont compétents, et puis à la fin de l’été, courant septembre, nous verrons si le compte y est. Si le compte y est, je m’en féliciterai et je le dirai. S’il n’y est pas, je prendrai mes responsabilités.
Jean-Michel APHATIE
Quand vous dites…
Patrick de CAROLIS
Vous savez, Monsieur APHATIE, à l’impossible nul n’est tenu. Donc si, à un moment donné, je vois que je n’ai pas la possibilité de faire mon travail, d’avoir les moyens de nos ambitions, je le dirai, et je dirai stop. Et je voulais vous dire une chose, il y a deux indicateurs dans ma vie, il y a le professionnalisme, les budgets, c’est-à-dire : avoir les moyens de nos ambitions, et comme je le disais tout à l’heure, il y a l’indépendance. Jamais –vous entendez, je crois qu’il est bon de le rappeler, quand je lis ça et là certains commentaires – jamais je ne soumettrai mes grilles de programmes, jamais je ne soumettrai un quelconque concept d’émission à un quelconque visa venu de l’extérieur de l’entreprise ; que cette chose soit dite, elle est claire et simple.
Jean-Michel APHATIE
Elle a été entendue sans doute, Patrick de CAROLIS, ce matin, sur RTL, vous faites beaucoup de mises au point finalement, d’une part, le travail depuis trois ans à différencier notamment FRANCETELEVISIONS et les télévisions privées, d’autre part, le compte n’y est pas, vous le dites ce matin…
Patrick de CAROLIS
Je dis que pour l’instant, le compte n’y est pas, et c’est mon devoir de le dire avant une négociation qui va s’engager et qui est cruciale pour l’avenir de FRANCETELEVISIONS…
Jean-Michel APHATIE
Mais une négociation, vous espérez davantage d’argent…?
Patrick de CAROLIS
J’espère, j’espère en tout cas qu’il y aura l’équilibre financier. L’équilibre financier est absolument nécessaire pour la bonne marche de l’entreprise, il est absolument nécessaire pour le développement de cette entreprise, et il est absolument nécessaire pour la réussite de cette grande réforme que j’appelle de mes vœux.
Jean-Michel APHATIE
Vous sentez aujourd’hui que le climat, le rapport avec le président de la République est – comment vous le qualifieriez – assez mauvais, on peut le dire comme ça ?
Patrick de CAROLIS
Non, pas du tout, il est franc, il est respectueux. Mais vous savez, moi, je ne rentre pas dans une vision affective des choses. Je ne suis pas dans : « je t’aime, moi non plus », je suis chef d’entreprise, je vis une période extrêmement dense, parfois rude…
Jean-Michel APHATIE
Difficile…
Patrick de CAROLIS
Difficile, et je crois que tous les chefs d’entreprise qui ont vécu cette période d’incertitudes peuvent me comprendre. Depuis le début de l’année, je tiens, comme on dit, le cap de ce navire, j’en suis fier, j’en suis totalement responsable, et je mettrai toute mon énergie à défendre les intérêts de cette entreprise.
Jean-Michel APHATIE
Le président de la République a aussi décidé que désormais, le président de FRANCETELEVISIONS serait nommé directement en Conseil des ministres et non plus par le Conseil supérieur de l’audiovisuel. Il l’a justifié lundi soir en disant que ce système actuel, nommé par le Conseil supérieur de l’audiovisuel, représentait, était une hypocrisie totale ; vous, c’est le Conseil supérieur de l’audiovisuel qui vous a nommé, vous êtes donc issu d’une procédure hypocrite, Patrick de CAROLIS ?
Patrick de CAROLIS
Ecoutez, je suis très fier d’avoir été élu par le Conseil supérieur de l’audiovisuel pour qui j’ai une très grande estime. Vous savez, moi, j’ai été élu il y a trois ans, sur un programme professionnel, sur du contenu, sur une ambition, sur un projet industriel qui était de faire un groupe, je l’ai proposé à neuf conseillers qui m’ont élu dès le premier tour avec cinq voix, ça n’a pas été facile parce que, à l’époque, souvenez-vous, l’Elysée ne me soutenait pas contrairement à ce que l’on a cru ou dit, Matignon ne me soutenait pas. A la veille de mon audition, il y a eu d’un grand quotidien parisien un grand titre comme quoi Matignon soutenait le candidat sortant…
Jean-Michel APHATIE
Marc TESSIER…
Patrick de CAROLIS
Je n’étais pas soutenu par le ministre de la Culture de l’époque, et j’ai été élu, c’était une grande preuve d’indépendance de cette institution.
Jean-Michel APHATIE
Donc le système n’est pas aussi hypocrite que le président l’a dit ?
Patrick de CAROLIS
Mais vous savez, je suis très mal placé pour répondre à cette question, je suis en poste, donc quelle que soit la réponse que je vous ferais, elle ne sera pas dénuée ou en tout cas, considérée comme telle, d’arrière-pensées. Ce que je veux dire, je veux donner cet exemple, qui est un exemple d’indépendance, et puis, je vais en donner un autre, vous savez, dans les années 70, un monsieur a été nommé, il s’appelait Pierre DESGRAUPE, il a été nommé par le gouvernement. Et il a été le symbole même de l’indépendance. Donc je crois qu’aujourd’hui, ce qui est important, quelles que soient les procédures, à partir du moment où elles garantissent cette indépendance, à partir du moment où elles s’appuient, elles se fondent sur un projet professionnel d’un candidat, je crois qu’après, l’indépendance, c’est affaire d’hommes, c’est affaire de femmes, moi, je suis indépendant dans ma tête.
Jean-Michel APHATIE
Chacun aura noté, Patrick de CAROLIS, vos propos d’une grande franchise ce matin au micro de RTL…
Patrick de CAROLIS
Comme toujours…
Jean-Michel APHATIE
Ils pourraient avoir des conséquences, vous vous y préparez ?
Patrick de CAROLIS
Les conséquences, c’est que je mets au travail l’entreprise, elle est sur le chemin de la réforme, et je mets toute mon énergie à défendre ses intérêts.
Jean-Michel APHATIE
Vous serez président de FRANCETELEVISIONS au moins jusqu’à la fin de l’été ?
Patrick de CAROLIS
Je pense, oui.
Jean-Michel APHATIE
Donc nous vous remercions d’être venu sur RTL ce matin.

Patrick de CAROLIS
A très vite.