«L'avenir de la presse écrite n'est pas au statu quo»
Propos recueillis parMarie-Laetitia Bonavita
19/09/2008 | Mise à jour : 20:49 |
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Christine Albanel : «Les pouvoirs publics sont les garants du pluralisme de l'information.» Crédits photo : Le Figaro
INTERVIEW - Christine Albanel, la ministre de la Culture et de la Communication, revient sur les enjeux du «Grenelle de la presse» annoncé par Nicolas Sarkozy.
Les États généraux de la presse débuteront donc début octobre. Lancé fin mai par Nicolas Sarkozy, le projet d'un «Grenelle de la presse écrite et audiovisuelle» vise à remédier à la situation d'un secteur économique «au bord du précipice économique», selon les termes du président de la République. Le rapport sur «les médias et le numérique» remis cette semaine au chef de l'État par Danièle Giazzi, secrétaire nationale UMP aux entreprises, a suscité ces derniers jours la crainte des organisations syndicales, et notamment du Syndicat national des journalistes (SNJ), majoritaire dans la profession. Ce rapport qui compte 34 recommandations préconise notamment d'assouplir fortement la législation sur la concentration dans les médias.
C'est Emmanuelle Mignon, déchargée de sa fonction de directrice du cabinet à l'Élysée, qui pilotera la coordination des travaux des états généraux. Cette énarque de 40 ans s'appuiera sur les services de la ministre de la Culture et de la Communication, Christine Albanel. L'objectif est que la ministre de la Culture puisse présenter un point des travaux lors du congrès de la presse, organisé par la Fédération nationale de la presse française (FNPF) et qui se tiendra à Lyon les 19, 20 et 21 novembre.
LE FIGARO. - Le rapport Giazzi soulève la crainte du SNJ-CGT qui met en garde contre un vent de «libéralisme» sur le monde des médias…
Christine ALBANEL. - Les états généraux voulus par Nicolas Sarkozy sont là pour apporter des solutions concrètes, efficaces et rapides à la fragilité de la presse écrite. En soixante ans, une centaine de quotidiens ont disparu, les ventes ne cessent de baisser, révélant la fragilité chronique du secteur. Or, les organes de presse doivent être rentables pour assurer leur pérennité, et ce n'est pas le cas pour tous. Les pouvoirs publics sont les garants du pluralisme de l'information et, malgré l'importance des aides directes versées à la presse française - 283 millions d'euros par an -, celle-ci reste fragile. Nous devons profiter de la réunion des états généraux pour nous interroger sur la meilleure utilisation de ces aides en vue de la modernisation et de la viabilité du secteur.
Le Syndicat général du Livre s'est élevé cette semaine contre le plan de modernisation des Nouvelles Messageries de la presse parisienne qui s'accompagne d'une réduction de 300 à 350 personnes. Qu'en pensez-vous ?
Une fois de plus, c'est totalement inadmissible et irresponsable. Il s'agit d'une initiative isolée d'une branche du Syndicat général du Livre, celle du livre et de la communication écrite (SGLCE-CGT). Cette grève est suicidaire pour l'ensemble du secteur, alors que le volet social du plan de modernisation des NMPP est très généreux : 62 millions d'euros pour 350 départs. L'État a par ailleurs réalisé un effort en 2008 en portant ses aides aux NMPP à 12 millions d'euros contre 8 millions en 2007. Je souhaite donc aujourd'hui que chacun prenne ses responsabilités. L'avenir ne peut être au statu quo.
Durant les états généraux, l'atelier sur le métier du journaliste se penchera sur la question des droits d'auteur. Comment traiter ce sujet sensible ?
Ce sujet est incontournable avec l'arrivée de la presse en ligne. Il s'agit de s'interroger sur les modalités d'utilisation des informations recueillies sur plusieurs supports à la fois papier et électronique. Les éditeurs veulent disposer des droits d'auteur sur tous les supports, alors que les journalistes veulent une rémunération pour chaque exploitation. Aujourd'hui, s'il existe des accords dans certaines entreprises, ils sont juridiquement fragiles. Les états généraux doivent permettre de s'entendre sur un cadre général qui sera posé par la loi. À charge ensuite aux partenaires sociaux, éditeurs et journalistes, de préciser les droits et obligations de chacun dans des accords collectifs ou individuels.
Les éditeurs de presse craignent de faire les frais de nouvelles règles de publicité à la télévision. En guise de compensations, certains souhaitent que l'État favorise les campagnes d'intérêt général dans la presse ?
Pourquoi pas ? Mais il faut faire attention avec le droit de la concurrence.
Comment pousser les jeunes à découvrir la presse ?
Pendant ces états généraux, je compte proposer aux éditeurs un abonnement gratuit à un quotidien pour les 800 000 jeunes qui font leur journée d'appel à la défense.