mardi 24 février 2009

RELATER:EST-CE ETRE COMPLICE?UN DELICAT PROBLEME DE DEONTOLOGIE

Toulouse: une journaliste poursuivie pour violences dans une affaire inédite
Par Dorothée MOISAN
PARIS, 24 fév 2009 (AFP) - Une journaliste qui voulait dénoncer les méfaits
de la suspension, pratique qui consiste à se faire suspendre par des crochets
plantés dans le dos, a été renvoyée devant des magistrats toulousains qui
devront déterminer fin mars si elle s'est ou non rendue complice de violences.
Le 8 octobre 2006, M6 avait diffusé dans son émission Zone interdite un
reportage sur les modifications corporelles (piercing, scarification...) chez
les jeunes.
Le sujet, d'Isabelle Cottenceau de la société de production TAC Presse,
montrait un adolescent qui expliquait tout à fait librement avoir décidé de
s'offrir une "suspension" pour ses 18 ans et sa mère, qui lui avait donné son
accord.
Les images de la suspension à proprement parler n'avaient pas été diffusées.
En outre, à l'issue du reportage, un psychiatre et une avocate étaient
intervenus sur le plateau de Zone interdite pour condamner une telle pratique.
"Je voulais témoigner pour dénoncer ces pratiques, mais en aucun cas les
cautionner", se défend aujourd'hui la journaliste.
"Loin de relever d'une quelconque complaisance à l'égard de cette pratique,
ce reportage consistait précisément à en dénoncer les dangers et à porter à la
connaissance du public ce type de comportement extrême", renchérit TAC Presse,
pour qui la jeune femme "ne faisait qu'exercer sa profession de journaliste,
c'est-à-dire informer, y compris sur des sujets dérangeants".
Un point de vue retoqué par le parquet de Toulouse qui en 2006 a décidé
d'ouvrir une enquête aboutissant au renvoi en correctionnelle des organisateurs
de la suspension pour "violences volontaires avec arme et en réunion" et de la
journaliste pour "complicité de violences", un délit passible de 5 ans de prison
et 75.000 euros d'amende.
Choqué que celle-ci ait "exhibé un jeune de 17 ans auprès de la France
entière", Me Georges Catala qui défend le jeune et son père, parties civiles,
accuse Isabelle Cottenceau d'avoir "largement contribué" à cette suspension.
De son côté, TAC Presse s'étonne que la journaliste soit inquiétée et pas la mère.
"Si à chaque fois qu'un journaliste filme un délit, que ce soit un trafic de drogue ou de faux papiers, il devait se retrouver en correctionnelle pour
complicité des faits qu'il filme ou décrit, ce serait le métier même de
journaliste qui serait criminalisé", renchérit l'avocat de la journaliste, Me
Richard Malka.
Epinglant une situation "hallucinante", il dit ne pas avoir connaissance
"d'un seul cas de ce type dans les annales judiciaires".
"C'est totalement inédit", confirme Me Basile Ader, avocat spécialiste des
questions de presse qui se souvient toutefois d'un cas à la fin des années
1990.
Une journaliste ayant acheté un billet d'avion pour dénoncer un trafic de
billets avait été condamnée pour faux, le tribunal estimant qu'une fraude
commise dans le cadre d'un reportage n'en était pas pour autant justifiable.
Le procès se tiendra le 24 mars devant la 5e chambre du tribunal
correctionnel de Toulouse.